« start-up », « start-up »… Combien en restera-t-il étant entendu qu’en 1900, rien qu’aux USA, on dénombrait pas moins de … 2000 sociétés dédiées à la fabrication d’automobile et qu’il n’a pas fallu attendre 1945 pour qu’il n’en reste que trois, par exemple.

Aviation ? L’autre innovation du début du siècle dernier : même combat.

Toujours est-il que vendre un business existant amène naturellement les investisseurs à se poser la question de sa rentabilité, et que, paradoxalement, mais c’est comme ça depuis toujours, vendre un business qui n’existe pas encore s’avère, en définitive, plus facile !?

Les hommes sont ainsi fait qu’ils adorent (prèfèrent ?) rêver.

L’ampleur du phénomène est sans commune mesure et ceci nous amène à notre sujet.

Le « private equity ».

En quoi ça consiste ?

Ça consiste à investir dans des sociétés non côtées.

C’est un métier : les professionnels s’entourent d’avocats (qui vont notamment rédiger des « pactesd’actionnaires », destinés à aligner les intérêts des investisseurs avec ceux des fondateurs et promoteurs de projet, par exemple) et de consultants, notamment financier (pour définir les « Business Plans » et les « Plans financiers »).

Jusqu’ici, je ne vous apprends rien.

Ce marché reste toutefois très peu lisible, même pour nombre de professionnels chevronnés du secteur financier.

C’est pourtant simple.

C’est un peu comme un escalier à plusieurs échelons.

Au premier stade, les fondateurs vont économiser, agir sur fonds propre et se tourner vers leur cercle familial et socio-affectif (« friends and family »).

Ils vont, en général, récolter par ce biais entre 50K et 500K.

A Paris, la vente en réméré d’un appartement, technique plus ancienne encore que le Code Civil 1804, permet de dopper nettement ces chiffres.

M’est avis que le nantissement de polices d’assurance-vie est sous-exploité dans ce secteur et permettrait, lui aussi, de doper la levée de fonds initiale.

Au stade supérieur, on trouve les « Business Angels ». Ceux-ci n’investiront pas uniquement dans une idée. Il s’attendent à trouver :

  • Au moins un prototype de produit réalisé de A à Z
  • Que ce prototype ait, si possible, été confronté au marché, si peu que ce soit
  • C’est un plus si le produit bénéficie de brevets, ou si des brevets le concernant sont en gestation : à cet égard il faut garder à l’esprit que certains brevets confèrent une protection plus forte que d’autres

Les Business Angels seront en général des particuliers fortunés, souvent entrepreneurs ou anciens entrepreneurs eux-mêmes, ou en tous cas souvent issus de familles impliquées dans l’entrepreneuriat.

Ils investiront en général, en tous cas de ce côté de l’Atlantique, entre 500.000 et un million d’euros, rarement plus en tous cas que 10% de leur patrimoine liquide.

Leur démarche sera déjà plus professionnelle que celle du stade « family and friends », mais sauf à rechercher des partenariats avec d’autre sociétés dans lesquelles ils auraient des intérêts, ils s’immisceront assez peu dans la gestion.

Leur but : le plus souvent, il consistera à favoriser le déploiement commercial, dans le but de revendre leur participation à l’étage suivant.

Vient ensuite le « Early Stage », qui annonce déjà le véritable « venture Capital », c’est-à-dire un premier pas vers les investisseurs professionnels.

Ici, le produit ne peut plus être un simple prototype, il doit s’agir impérativement d’un produit abouti, susceptible d’être produit et commercialisé à grande échelle.

Le financement, qui sera de l’ordre de 1 à 5 millions, va concerner les développements, les tests et le déploiement commercial : le but est d’atteindre une taille industrielle et d’initier une distribution à grande échelle.

Ici, les investisseurs sont nettement plus professionnels et leur investissement s’inscrit le plus souvent dans une stratégie explicite (revente endéans les cinq ans, partenariat en synergie avec une autre de leur société ayant des intérêts connexes, …).

Or, jusqu’ici, les plus attentifs d’entre vous auront sans doute noté que la question de la qualité du produit, d’abord, puis celle de la taille ensuite, étaient prépondérantes, mais qu’il n’était nullement question de rentabilité.

C’est à l’étage encore au-dessus, le dernier concernant le Private Equity, que la question va se poser : au niveau du « Venture Capital », c’est-à-dire quand les choses commencent à devenir réellement sérieuses et quand les interlocuteurs deviennent de véritables financiers purs et durs, de vrais investisseurs professionnels, alors se pose une question très déplaisante pour le secteur numérique : celle de la rentabilité.

La première chose que demandera un fonds de « Private Equity » (ou « Venture Capital »), c’est : quel est votre Ebitda (= le revenu annuel moyen de votre entreprise) ?

Les deux questions suivantes seront : D’où provient-il ? Comment comptez-vous l’augmenter ?

En d’autres termes, à ce niveau, faute de revenu, n’espérez pas qu’on va vous prendre pour Google : si vous n’avez fait que consommer l’argent des stades inférieurs et que votre société ne produit toujours pas de revenus, contrairement à ce que pourraient laisser penser les journaux, vous aurez à peu près autant de chance d’intéresser un fonds de Private Equity / Venture Capital que de gagner à l’euro-millions.

En outre, en général, le fonds (qui, lui, a pour objectif une plus-value endéans les quatre à cinq ans) va vous demander de rester à bord pendant cette période (et, en général, de garder une participation) tandis qu’il va vous coller un véritable Management, et des structures de contrôle (Conseil d’Administration, superviseurs, comités d’audit voire aussi conseil de surveillance,…): la qualité du management sera également regardée et optimisée avec soin.

Le plan commercial et son évolution seront scrutés dans le détail et les procédures devront être définies, les canaux (fournisseurs, distributeurs, …) nettement identifiés et structurés.

Le but est double : il s’agit à la fois de pouvoir automatiser tout au maximum et qu’aucun élément qui viendrait à manquer ne soit irremplaçable, de telle sorte que l’entreprise puisse être vendue ou introduite en bourse « clef sur porte », mais le but est aussi de pouvoir tout automatiser au maximum.

En d’autres termes, à ce stade de recherche d’investisseurs en Private Equity/ Venture Capital susceptibles d’investir des sommes de l’ordre de 10 à 25 millions d’euros ou plus, les chances de succès augmenteront, mais uniquement si la société générait déjà des revenus et uniquement aussi si elle admet que tout sera contrôlé de A à Z.

Une dernière petite chose importante, que nombre de candidats à la levée de fonds semblent totalement oublier : sauter les étapes est illusoire.

Ça n’a fonctionné pendant un bref laps de temps que pour une infîme minorité de gens très bien introduits, mais ça ne fonctionne plus. Chercher directement à se voir confier plusieurs millions sans avoir un produit abouti confronté au marché et sans générer un Ebitda ou, à tout le moins, pouvoir présenter un carnet de commandes ferme ? Autant jouer à l’euro-millions.

M’est avis que vu le nombre d’entreprises du secteur qui ne sont pas rentables et qui se contentent de consommer des capitaux car leurs fondateurs se sont révélés incapables de trouver des clients, la prochaine crise risque de consister en un brutal retour à la réalité et d’y creuser un gros trou (creuser un gros trou dans le secteur des « start-ups », jugé à mon avis à tort plus porteur que les autres puisque les salaires y sont souvent payés avec des capitaux plutôt qu’avec par des produits, ce secteur jouissant uniquement à cet égard et jusqu’ici d’une tolérance sans assise économique rationnelle).

Ceci et le fait que 70% des sociétés qui réalisent moins de 10 millions de chiffres d’affaires vont se trouver à vendre endéans les cinq ans (sources : études d’UBS en Suisse, pour l’Europe de l’Ouest et étude de Belfius, pour la Belgique – mêmes conclusions) va faire des véritables managers (= dirigeants d’entreprises susceptibles de générer de l’argent et pas rêveurs-bricoleurs) une espèce très recherchée.