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Glossaire: lettre « R »

Rapaport (Anatole) en 1974, ce psychiatre de l’Université de Toronto déduisit de ses nombreuses observations et réflexions que la manière la plus « efficace » de se comporter dans ses relations avec autrui consistait à agir dans le sens de (1) la coopération, suivi de (2) la réciprocité et enfin de (3) le pardon. Lorsqu’un individu ou un groupe d’individu en rencontre un autre, il est de son intérêt de commencer par proposer une alliance. Ensuite, il faut donner à l’autre en fonction de ce que l’on reçoit. Si l’autre aide, on aide. S’il agresse, on agresse, avec la même force, la même intensité. Puis, passé un certain temps, il convient de pardonner et de renouveler la tentative. C’est en 1979 que la théorie de Rapaport commença à recevoir une consécration particulière. En 1979, en effet, le professeur de sciences politiques Robert Axelrod, féru d’informatique, organisa un tournoi entre logiciels autonomes programmés pour se comporter comme des êtres vivants, chaque programme édictant des règles de comportement différent. Certains programmes avaient pour but de s’emparer au plus vite des avantages de leur voisins par la ruse ou la force, avant de changer de partenaire, et ainsi de suite… En définitive, face à tous les programmes, c’est la méthode Rapaport qui gagne, dans tous les cas de figure, même quand elle semble commencer à perdre, en début de partie.

Raison : la raison de celui qui frappe par surprise semble être, aujourd’hui, encore meilleure que celle du plus fort… Mais est-ce que ça n’a pas toujours été le cas ? Il faut relire d’urgence Musashi, et son « Traité des cinq roues », ouvrage d’une portée immense au Japon. Exemple d’application pratique : l’escrime. En Europe, dans les duels, on s’arrête aux premiers sangs. Les techniques qui ont été développées visent la « touche » rapide, mais non forcément létale. Au Japon, il s’agit d’un art martial guerrier, et il a donc pour but de vaincre et de tuer : tous les coups doivent être létaux. Face à certaines pratiques de leurs concurrents, les états européens feraient bien de s’inspirer plus des traditions nipponnes que de rester ancrés dans les leurs, plus chevaleresques, mais moins efficaces. Celui qui a raison, en définitive, c’est quand même toujours et partout celui qui gagne. Et ce n’est probablement pas un hasard si l’ouvrage qui a forgé le Général de Gaulle était intitulé « Au fil de l’épée »…

Rats : Didier Desor, chercheur en biologie comportementale de la faculté de Nancy, a constaté au terme de plusieurs expériences que réunis en groupes de six, les rats s’organisent systématiquement avec deux exploités, qui vont chercher la nourriture pour deux exploiteurs qui battent les exploités et ne leur laissent que des miettes, un autonome, qui se débrouille tout seul et un paresseux pur et dur qui sert de souffre-douleur à tout le groupe. Même si on regroupe six exploiteurs ou six autonomes ou six souffre douleurs, systématiquement les rats reproduisent la distribution des rôles décrites ci-dessus. Recherche complémentaire : les plus stressés sont les exploiteurs, vraisemblablement parce qu’ils ont peur de perdre leur place et leurs privilèges. Les études de Didier Desor sont très connues parce qu’à l’instar du chien de Pavlov ou des rats de Skinner, des parallèles nombreux ont été dressés avec l’être humain. Ces parallèles, quoique complètement pifométriques, ont quelque chose de séduisants. Avouez que ça vous a fait penser à quelque chose en lisant, non ?

Réussite : ceux qui échouent trouvent des excuses, ceux qui réussissent sont ceux qui ont trouvé une solution pour s’en donner les moyens.

Révolution française : une autre façon de voir la révolution française que celle des manuels francophones consiste à s’inspirer du point de vue anglais. Celui-ci est saisissant, mais finalement très « réaliste » : en le découvrant, la vision que nous, les francophones, avons de la Révolution Française nous paraît d’un coup très romantique, voire même un peu « romancée ». Jugez plutôt. Louis XIV, alias le Roi Soleil est un tyran, pétri de classe certes, mais un tyran quand même. Il a réunifié son pays, contribué à son rayonnement à travers le monde, favorisé l’épanouissement des arts et des sciences, mais c’était quand même un tyran. La construction de son palais de Versailles fut un chantier pharaonique et l’objet de ces jardins, de ces palais, de ce luxe et de ces paillettes était, il faut bien le dire, de contrôler une cour de nobliaux improductifs ayant une certaine tendance à la dépravation. Pour réaliser ce caprice absolutiste, il a fallu lever des impôts à la mesure du projet. Ajoutons à cela de coûteuses guerres menées tous azimuts, dont plusieurs se solderont par des défaites. Au total, les famines sont fréquemment une réalité pour l’immense majorité d’un pays largement saigné à blanc et rendu économiquement exsangue. Quelques révoltes paysannes éclatent, qui sont réprimées dans le sang. Louis XV hérite de Versailles, certes, mais aussi de cette situation générale. Il ne fait guère rien d’autre que d’essayer de gagner du temps et refile le bébé à son fiston, Louis XVI. Louis XVI n’est certes pas un génie, mais il est rempli de bonnes intentions. Il entend examiner de très près l’état de son pays, et c’est lui qui invente dans ce cadre les « cahiers de doléance ». L’idée lui est venue du constat que si son pays est au bord de la rupture, c’est parce qu’une caste de privilégiés de naissance, les aristocrates, non seulement captent la richesse en étant eux-mêmes improductifs, jouissent de pouvoirs exorbitants mais, en plus, ne paient pas d’impôts. C’est en constatant que ces inégalités malsaines minent le pays que Louis XIV, influencé lui aussi par les philosophes des lumières, décide de tenter de s’appuyer sur le peuple pour renverser les baronnies qui y règnent abusivement. C’est dans ce cadre qu’il demande directement son avis au peuple : les « cahiers de doléance » n’ont d’autre objet que de demander aux gens du peuple quelles sont réellement leurs préoccupations et soucis du quotidien. Les cahiers de doléance deviennent le témoignage (assez unique en son genre, dans toute l’histoire de l’humanité) de la France profonde. Y sont décrits à longueur de pages la misère des campagnes, les soucis des fermiers, des artisans, la vie des curés… On y parle de la vraie vie des vrais gens, pas de ce qui intéresse habituellement les médias. Le problème a vraisemblablement été qu’en exprimant sa douleur, le peuple en prenait de plus en plus conscience. Sa colère contre les dirigeants, loin de s’en trouver apaisée, s’en trouva décuplée. Louis XVI, à la lecture de ces pages et des compte-rendus qui en sont établis, prend la mesure du problème et de son caractère insoluble en peu de temps. Sa première mesure est de nommer premier ministre un excellent spécialiste, « technicien », de l’économie, Turgot, dont les lettres au Roi sur les effets pervers d’un endettement excessif de l’état mériteraient d’être relus avec attention par nos vaillants dirigeants de 2017. Ensuite, Louis XVI tente d’abolir les privilèges de la féodalité. Au passage, notez que privilège vient du latin « lex privata », loi privée. Ça dit bien ce que ça veut dire. Outre l’abolition des privilèges de la noblesse, il prône aussi un impôt pour tous, nobles compris. Louis XVI se retrouve alors avec à la fois un peuple qui, ayant appris à nommer ses maux, s’en agace, et face à une aristocratie qui entend bien s’accrocher au statu quo. On connaît la suite… Le peuple descend dans la rue, la bourgeoisie émerge, et Louis XVI est décapité. La Terreur, puis la coalition de tous ses voisins contre elle amena la France à se choisir comme dirigeant un général particulièrement doué qui, emporté lui aussi dans des rêves de grandeur dignes de grand papa le XIVème du nom, ira faire périr une belle partie de la jeunesse du pays dans les glaces d’une Russie couverte de neige. Vu comme ça, on comprend mieux que les anglais puissent juger les français à la fois sanguins et un peu c… d’avoir ainsi tué celui qui, précisément, se souciait de leur sort et tentait de les faire évoluer. Indépendamment de cette bonne vieille rivalité, nos cousins d’Outre-Manche éprouvent également certaines difficultés à comprendre pourquoi la nation française n’arrive pas à se départir d’une certaine nostalgie par rapport à cet Empereur. Ce que j’en retiens, c’est que lire sa propre histoire racontée par d’autres peuples est très instructif et que, en l’espèce, on peut comprendre pourquoi l’Union Européenne, comme les Etats-Unis, sont en train d’imaginer des systèmes destinés à restreindre la liberté d’opinion politique dans les médias sociaux.

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